JOURNAL DE BORD : Au large des îles Selvagens
Ronan Gladu
« Nous sommes enfin sortis du gris en approchant les Canaries et notre contournement de Lanzarote à l'aube était mystique ! D'abord des lumières dans la pénombre, puis le dessin progressif du paysage lunaire, pour finir par un lever de soleil apocalyptique à travers les nuages, alors que nous repartions pleine balle vers les Açores au vent de travers ; pardon au « reaching » comme disent « les jeunes dans le vent » !
Allure la plus dangereuse en multicoque (la solution de fuite en cas de survente n’est pas évidente et peut entraîner à la catastrophe), 2 équipiers ont en permanence les écoutes de grand voile et de chariot de grand voile dans les mains… D’autant plus que les conditions sont très irrégulières, toute la journée et la nuit c’était pendant 20 minutes à 35-40nds de vitesse, en limite haut de vol et de gîte, puis 40 minutes « collés » à 25-30nds.
Nous sommes passés à travers les petites Îles Selvagens ... encore un autre rêve d’exploration surf avec « Lost in the swell » : j’ai pu constater qu’il y avait un petit « lagon » au milieu des cailloux… et un voilier mouillé !
Crédit image : Ronan Gladu
Ensuite, nous avons retrouvé le gris avec la traversée et le dévent de l’île de Madère, il est monstrueux ! Plus de 120 milles de pétole, entre 6 et 9 nds de vent tournoyant, avec une mer hachée…un bon calvaire, avec de nombreuses hésitations, changements de voiles et une trajectoire hasardeuse.
Nous sommes maintenant en approche de la dernière marque, l’île de Santa Maria aux Açores, même si le vent mollit en restant irrégulier. On savoure ces derniers instants car la suite, c’est du près, que du près…jusqu’à Concarneau, avec potentiellement du vent très fort au large du Portugal… et de la pétole mole en arrivant dans le Finistère !!
Ce n’est pas ce qu'il y a de plus motivant, vu comment la course part par devant…mais on garde le moral ! L’ambiance est toujours très bonne, avec la routine, quelques automatismes et comiques de répétition qui s'installent…autour de la nourriture, des besoins naturels, des humeurs de chacun.
Vu que je suis hors quart, d’abord j’essaie de courir aux manivelles dès qu’il y a besoin ! J’essaie aussi de distiller un peu de "bêtises" à différents moments du jour et de la nuit. Avec plus ou moins de réussite, alors même que des petites souris ont bouffé toutes mes brioches de petit déjeuner pendant les quarts de nuit ! (et ça, ça aurait pu me mettre de mauvaise humeur, héhé !)
On m’a reproché de « donner trop la patate avec mes histoires » à la fin d’un quart (et donc avant la sieste !) mais je suis aussi très reconnaissant de Jean Bapt, notre doyen, qui supporte mon rire de hyène, souvent beaucoup trop fort au milieu de la nuit, alors qu'il dort sur la bannette de veille !
Bref, on se chambre sur nos petites manies et on reste focus sur la navigation, à donner le meilleur de nous-mêmes, pour faire avancer Actual Ultim 3 à son maximum ! »
Journal de bord par Ronan Gladu, médiaman à bord d'Actual Ultim 3